Impasses de Kaineng...La
mégapole Canthienne s'étend sur des kilomètres, englobant à elle seule
une grande part du continent. Ses larges et vertigineuses rues taillées
dans l'immense bloc urbain semblent autant de plaies et de cicatrices
béantes dans le pays lui même. Et, au fond de ces abymes ténébreuses
résonnait le fracas des armes accompagnées par le cri des mourants. Car
aussi vaste et immense soit-elle, la cité devait elle aussi composer
avec sa propre vermine.
Un groupe
d'aventuriers, dont la plupart n'étaient même pas originaires du
continent avait fort à partie avec une poignée de brigands locaux, fort
bien organisés. La moitié des étrangers était déjà tombé sous les
assauts ennemis. En effet, la manière de combattre de ces autochtones
était très différente de celle employée en Tyrie. Ceux-là se faufilaient
parmi les ombres, surgissaient des recoins lugubres sans un bruit, et
se déplaçaient avec une vitesse frustrante pour leur vis-à-vis. Rapides,
silencieux, mortels… Au rythme où s’engageait la bataille, les
assaillants étaient condamnés. Avant que le sang des blessés n’ait eu le
temps de sécher sur le sol, il n’en restait plus que deux.
Deux
guerriers, blessés et fatigués par les acrobaties de leurs adversaires.
Deux combattants pourtant rodés au corps à corps mais dont les coups
s’obstinaient à ne point faire mouche. Plus résistants que leurs
opposants, mais beaucoup moins rapides, ils avaient été dominés depuis
le début du combat. Et désormais, ces ennemis fait de courant d’air les
encerclaient, prêts à leur donner la curée. Il suffirait pourtant d’un
coup d’épée ou de hache bien placé pour en annihiler un étant donné leur
équipement apparent, mais pour l’instant ils persistaient à se faufiler
entre les coups… Alors leurs adversaires s’approchèrent lentement,
dagues en avant tels des prédateurs.
C’est
alors qu’une pluie de flèches s’abattit sur le champ de bataille, comme
si elles pleuvaient du haut des toits. Un déluge mortel de bois et
d’acier transperça ces étranges guerriers pourtant si habiles sous le
regard médusé et vexé des deux combattants survivants. Quand ils
levèrent les yeux, ils aperçurent une silhouette juchée au sommet d’un
bâtiment. Les deux rescapés ne parvinrent point à identifier leur allié
inattendu de part la distance et du soleil à contre-jour. Leur
mystérieux sauveur se tenait immobile au dessus d’eux tenant son arc
toujours bandé. Le soleil rasant dans son dos projetait son ombre sur
les ruelles, étendant sa domination de la situation. A ses côtés trônait
un majestueux félin qui fixait les deux guerriers de ses deux opales
perçantes. Et pourtant, malgré l’étrangeté de la situation, malgré cette
ombre impossible à identifier, une pensée saisit le cœur d’un des deux
guerriers. Quelque chose en lui reconnut cet homme, ou quelque chose en
lui souhaitait voir une seule et unique personne.
« Drelnas… ? »La
silhouette sembla sursauter. Son compagnon félidé grogna en retour,
tout croc dehors. Les deux hommes se préparèrent à subir une volée de
flèches. Mais l’étranger abaissa son arc et prit la fuite par les toits.
Le nouveau Colporteur voulu le suivre mais son compagnon d’arme lui
rappela qu’il y avait des blessés à ramener en lieux surs. Il eu alors
honte de lui-même quand il hésita à secourir les blessés. L’homme qu’il
recherchait depuis la Fournaise était peut-être enfin à portée. Après
avoir traversé la Tyrie de fond en comble, après avoir dû même la
quitter pour les terres de Cantha, il fallait renoncer à cette quête
pour sauver ses compagnons de routes. Et c’est ce déchirement qui lui
causa cette honte. Oui, il était bien mort ce petit moine jadis qui
voulait préserver les hommes de la mort et de la souffrance…
En
portant les blessés jusqu’au campement le plus proche, il ne cessa de
repenser à cette vie dissociée qu’il menait depuis que son pays avait
été rasé… Cette survie quotidienne jusqu’au jour où une quête vint y
donner un sens, trouver l’homme qui était avec les siens quand Ascalon
fut balayé. Cet objectif l’avait fait rencontrer différents amis et
ennemi au cours de ses voyages. Il se remémora lors les Augures, la
prophétie des survivants, ses premiers compagnons d’armes. Même à ce
moment là, son destin n’était plus sien, mais semblait esclave des
paroles de ces anciens Druides de Maguuma… Pourtant, il fut séparé de ce
groupe. Il fallut qu’une blessure sérieuse l’amène à trouver refuge
chez les Colporteurs pour les rejoindre en paiement d’une dette. Mais
bientôt cette dette serait payée quand Salmissira retrouverait Eos.
Alors, il serait libre à nouveau, et seul…
Peut-être
que les Augures s’étaient trompés, ou bien qu’ils avaient d’autres
projets pour son destin. Peu importe, il n’en a jamais été le maître…